Le téléphone narrable • Méthode Z
Nous évaluons la véracité d'une information avec l'impression immédiate qu'elle nous fait, et lorsque nous la retransmettons, nous optimisons ses chances d'être crue.
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« Je ressens la vérité... »
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Intro
« — Pour savoir si une information est vraie, il faut suspendre son jugement et vérifier la source ainsi que peser les éventuels arguments qui la contredise.
— Mais oui, bravo Skeptos. Comme on est tous des intelligences artificielles comme toi et bah ça nous prend pas du tout de temps, hein. Et en plus, on est tout le temps sur Google entrain de tout vérifier ?
— Était-ce un sarcasme ?
— Oh, bah, je ne me le permettrais pas. »
On partage trop vite
Skeptos a raison. Dans un monde parfais, plus une information nous fait de l'effet —que ce soit par la peur, l'émerveillement, l'indignation, la révolte—, bref, plus on a envie de la partager, plus il faudrait suspendre son jugement et la vérifier avant de la croire.
Et ce qu'on observe, c'est que la plupart des gens font exactement l'inverse ; plus une information nous fait de l'effet, moins on la vérifie et plus on la partage spontanément.
Ce n'est un secret pour personne, nous partageons beaucoup trop souvent des articles sans les lires. Principalement sur base du titre et, dans le meilleurs des cas, sur base du premier paragraphe.
Système 1 et système 2
Parce que lorsque nous sommes confronté à un fait, à une information : la plupart du temps nous estimons sa fiabilité avec l'impression immédiate qu'elle nous donne. Exactement comme si la vérité pouvait se ressentir.
Il y aurait donc deux vérités ;
La crédibilité globale qu'on donne à une information avec l'impression immédiate qu'elle nous fait et,
La crédibilité globale qu'on donne à une information après l'avoir analysée et étudiée.
Ces deux façons de vérifier une information n'ont aucun rapport l'une avec l'autre.
En psychologie on a longtemps parlé de système 1 et système 2 pour expliquer ce phénomène.
Donc le système 1 serait la réflexion rapide, inconsciente, spontanée tandis que le système 2 serait la réflexion plus lente, le réfléchi plus travaillé. Bon alors, l'existence de ces deux principes ne fait absolument pas consensus, l'auteur de l'étude qui propose cette idée ayant lui-même reconnu que plusieurs aspects de son article étaient fondés sur d'autres études qui se sont révélées peu fiables par la suite, donc euh bon…
Mais quoi qu'il en soit, il semble bien qu'on est tous tendance à agir soit de façon spontanée, soit de façon réfléchie et calculée.
Et bien qu'il y ai tout un tas de choses à dire sur le dégradé qui existe entre ces deux extrêmes, bah, le résultat c'est que nous partageons les informations beaucoup trop spontanément.
Pourquoi on partage une information
Mais est-ce qu'on partage une information vraiment parce qu'on la pense vraie ? Ce sentiment d'information valide, il est constitué de quoi exactement ? D'après la littérature scientifique, on partage souvent pour communiquer ce qu'une cause dit de nous plutôt que la cause en elle-même, pour communiquer notre appartenance à un groupe sociale.
Tiercé dans l'ordre, certaines études conclues qu'on partage avant tout pour le divertissement, ensuite, pour l'éducation puis seulement pour le reflet de soit même, et enfin, tout au bout, véritablement pour la cause.
Oui, c'était un quarté ! Bravo Jean-micheline oreille absolue.
Et donc, beh, on voit bien que dans ce sentiment de besoin de partage, le fait que l'information soit vraie ou fausse, ça tient une place toute relative.
L'intuition
Cette impression immédiate que nous donnent les informations est bien entendu le fruit de nos expériences, nos connaissances, nos valeurs, enfin bref, tout ce qui fait de nous un individu différent des autres individus.
Pour faire court, on va nommer ce mécanisme d'impression immédiate : l'intuition. Et l'intuition, bah, c'est pas le diable. C'est vachement utile et très efficace au quotidien. Moi par exemple, sans vouloir me vanter, j'ai une excellente intuition d'a qu'elle moment il faut retirer les pattes de l'eau bouillante.
— « Go, go, go, go, go, go, go, go, go, go, go, go ! »
Ainsi, il y a toujours autant de façon d'appréhender une information qu'il y a d'individus, chacun avec son intuition en guise de tout premier filtre. Et chacun est persuadé, s'il n'y prend pas garde, que son intuition est fiable : mais pas celle d'autres personnes qu'il évalue pourtant avec sa propre intuition. Hein, vous savez ces autres personnes qui évaluent aussi l'intuition des autres avec la leur.
C'est le serpent qui se mort la bite !
L'exemple du Dr. Gentil
Prenons l'exemple d'une fausse information, par exemple, le Dr. Gentil a trouvé un remède contre tous les cancers. Ouais, tous les cancers.
« — Coucou.
— Les raisons d'y croire séduisent notre intuition. C'est un docteur, il me fait une bonne impression, je pense que son remède est possible, je souhaite que son remède existe : cette information me donne de l'espoir, je vais donc la répéter et la rendre encore plus apte à se reproduire par la façon dont je vais la répéter. Je vais la vulgariser, je vais la pimper pour qu'elle puisse se reproduire plus facilement. Et voilà donc comment : »
Une information répétée devient plus virale
« — Une information “répétée” devient un peu plus “virale” à chaque répétition. »
Jusqu'à l'optimisation de sa capacité à séduire : une sorte de téléphone arabe ou le message se déforme, il optimise ses chances d'être partagé.
Le trait commun aux théories du complot
Raison pour laquelle un des traits communs aux fausses théories du complot, bah c'est qu'elles expliquent énormément de choses par une seule grande cause.
Et là, généralement, c'est, c'est, c'est le même scénario : on se retrouve avec d'un côté les gentils chercheurs de vérité contre des méchants puissants qui complotent en secret, prêt à tout pour atteindre un objectif du côté obscure de la force ; simple à comprendre. Alors là, ça se digère comme un cheeseburger, avec la même valeur nutritive.
Les complots
Mais attention, ça veut pas dire que si c'est simple, c'est forcément faux. D'ailleurs :
« — Il y a deux erreurs à ne pas commettre avec “les complots” : la première c'est d'en voir “partout”, la seconde c'est d'en voir “nulle part”. »
Ça veut juste dire que quand ça ressemble à une théorie du complot, et bah il faut activer les filtres de vérification de théorie du complot. Les fakes news qui se propagent bien sont des pièges pour le cerveau humain ; un authentique piratage de notre sens du réel.
La raison d'être de ma méthode Z
Notre intuition, notre bon sens, est une véritable passoir pour ces fausses informations dès lors qu'elles ont simplement l'apparence d'un fait qui correspond à notre appréhension du réel ou qui provoque en nous un fort impact émotionnel.
C'est la raison d'être, de ma Méthode Z.
Science et intuition
C'est même l'une des raisons d'être de la science : éprouver nos intuitions. Si nos intuitions étaient fiables, et bien on aurait pas besoin des sciences.
Mais attention, parce que le sceptique débutant à un petit peu trop tendance à dire que l'intuition ça vaut rien, c'est de la merde, etc. Et ça, c'est vraiment pas ce que la littérature scientifique nous dit.
Par exemple, on sait que l'intuition joue un rôle cruciale dans la pause d'un diagnostique médicale. Et alors là je vous passe les débats sur la définition de ce que c'est l'intuition.
Euristique inférentielle ou traitement cognitif holistique instantané ?
« — Est-ce une heuristique inférentielle ou un traitement cognitif holistique instantané ?
— ? énatnatsni euqitsiloh fitingoc tnemetiart nu uo elleitneréfni euqitsirue enu ec tsE
— Est-ce une heuristique inférentielle ou un traitement cognitif holistique instantané ?
— Est-ce une heuristique inférentielle ou un traitement cognitif holistique instantané ? »
Raccourci ou résultat ?
Ouais d'accord, d'accord, je, je, je, je frime avec des mots savants mais ce que je voulais vraiment dire, en fait, c'est : est-ce que l'intuition est un raccourci pour faire des déductions rapides ou est-ce que c'est plutôt le résultat spontané de ce qu'est un individu ?
En tout cas, ça tombe bien, puisque ma méthode Z puise son inspiration dans les sciences. Plus il y aura de gens qui cultivent leur propre méthode Z en l'alimentant avec les connaissances scientifiques de la meilleure qualité possible, plus il y aura de réflexions (fondées sur des faits) de plus en plus fiables et donc bénéfique pour la société toute entière.
Ahhhh. C'est merveilleux !
Le problème de la transférabilité de la méthode
« — Développer l'esprit critique c'est donc aussi globalement faire reculer les réflexions fondées sur de vilains aprioris pas très bien réfléchis.
— C'est totalement utopique et inexacte de penser que…
— J'ai dit “globalement”. “Globalement”, “Statistiquement”, “Avec le temps”. Pas, pas au cas par cas, tu vois. Un peu comme la science qui a sacrément fait évolué notre compréhension du monde et nos techniques, mais pas à l'échelle d'une vie hein : sur deux siècles plutôt.
— La question de la transférabilité des outils de l'esprit critique est un problème majeur des sciences de l'éducation. Ce n'est pas parce qu'un individu apprend un outil sceptique qu'il l'applique à l'ensemble des informations qu'il considère valide et qu'il ré-évalue ses opinions.
— Bah, oui, mais, je, je le savais. C'est très connu. Générique… »
Outro
« — La “méthode Z” est ce que vous en ferez.
Vous pouvez en faire une arme pour “remporter les débats”, mais n'espérez pas que “l'autre change” subitement d'avis.
Vous pouvez en faire un miroir pour “avoir moins tort”, mais apprêtez-vous à vivre dans un monde qui a beaucoup plus de “certitudes” que vous.
Vous pouvez en faire une bouée pour “aider les autres” à sortir de croyances toxiques, mais vous ne pourrez “forcer personne” à l'utiliser.
La méthode Z est ce que vous en ferez, alors “prenez-en soin”. »
À propos de Mr. Sam
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